Centre de création, formation et développement pour les arts de la marionnette
À la suite du stage dirigé par Enrico Bonavera à Odradek en février, nous avons souhaité lui poser quelques questions. Les voici, avec ses réponses.
Giorgio Pupella :La commedia dell’Arte est-elle morte ou vivante ?
Enrico Bonavera :La commedia dell’arte, en tant que phénomène historique (XVI-XVIII siècle,) est morte. La société a changé ; la sociologie des acteurs a changé, ou encore les problématiques et les exigences du public ont changé. En fin de compte, si on se réfère à ce « phénomène », on peut situer sa fin, il y a deux siècles. Mais si on se réfère au langage théâtral dont elle tirait son inspiration, on peut dire, s’agissant d’un langage représentatif, que celui-ci a continué dans le temps. On peut, par ailleurs, retrouver ce langage dans différentes expériences théâtrales (de la farce napolitaine aux sketches de l’« avanspettacolo », des clowns du cirque au cinéma muet ou encore à Brecht, Meyerhold ou Strehler) ; donc ce langage est encore vivant. Aujourd’hui on assiste à une soi-disant renaissance du genre. Je dirais qu’on peut plutôt parler de créations qui s’inspirent des personnages nés dans la Commedia, et qui reproduisent ces caractères ; c’est parfois réalisé de manière heureuse - quand il y a avant tout une idée de théâtre ou une poétique bien claire, et à d’autres moments de façon inaccomplie et, malheureusement, un peu amateur.
Nous avons l’impression que ta pédagogie consiste surtout à proposer toute une série de parcours de connaissance du corps et de l’improvisation, plus qu’à imposer une « technique » de l’acteur dans la Commedia dell’arte. Peux-tu nous expliquer ?
Avec le temps, j’ai trouvé dans l’étude et dans une nouvelle proposition de travail sur la Commedia dell’Arte, une occasion pour réfléchir « physiquement » sur l’être humain et pas seulement sur l’être acteur. En ce sens, enseigner les « types fixes » (les caractères) n’est pas le seul objectif de ma proposition pédagogique. Je cherche à transmettre ce que j’ai appris de façon efficace, mais l’art que j’ai appris avec une étude d’apprentissage m’a ouvert beaucoup de perspectives parallèles que je n’arrête pas d’explorer, proposer, suivre.
De quelle façon le travail sur le corps, que tu as étudié au Danemark avec l’Odin Teatret ou en China sur le Tai-Chi, intègre ce travail sur la Commedia dell’Arte ?
Comme il n’y a pas eu une continuité dans l’enseignement de l’Art de l’acteur dans la Commedia, (et ne trouvant pas suffisant les parcours traditionnels), ayant eu personnellement des expériences de formation auprès de l’Odin ou encore Grotowski, j’ai cherché des réponses dans d’autres pédagogies du corps plus traditionnelles comme le Tai-chi ou la danse balinaise. L’impulsion a été la recherche des lois objectives et des principes biomécaniques d’interprétation conformes à la réalité de l’être humain, partagés par d’autres traditions... Finalement, tout ça contribue à mieux définir les frontières et les règles de ce que Ferruccio Soleri définit comme « réalisme stylisé ».
Pour toi, quels sont les points de contact entre le masque et la marionnette ?
Pour commencer, je dirais que c’est la connaissance du propre corps comme un « pantin » : sa structure, les articulations, les chaînes musculaires. Puis le principe de projection de soi sur un objet /transfert, comme le masque ou la marionnette. La difficulté du travail avec le masque n’est pas l’acquisition de schémas, mais l’utilisation et la variation de ces mêmes schémas dans le respect de la « vie » de l’objet/masque et de sa relation avec l’imaginaire de celui qui le porte.
Peux-tu nous parler de tes projets ?
En ce moment, j’éprouve un grand désir d’étudier et d’approfondir, après ces huit années passées avec le spectacle Arlecchino serviteur de deux maîtres avec le Piccolo Teatro de Milan. Je voudrais utiliser mon artisanat non seulement pour l’enseignement ou pour le jeu et l’interprétation dans la pièce suscitée, mais surtout en faveur de créations.
D’un côté, j’ai un projet de mise en scène d’un texte que j’ai écrit à propos de Don Quichotte, de l’autre il s’agit d’une création avec Studium Aktoris, un groupe norvégien, sur la vie secrète des Anges… ; Mais, on verra ; à ce propos, tous les encouragements sont les bienvenus….
Toulouse- Genova, le 24 février 2009